Test Senua’s Saga Hellblade II : quand la Xbox fait son cinéma

Hellblade 2

Hellblade 2 est-il l’exclusivité Xbox tant attendue qui aidera Microsoft à rivaliser de nouveau avec Sony ? Le nouveau titre de Ninja Theory fait beaucoup parler de lui depuis son annonce fin 2019, principalement pour son niveau de réalisation impressionnant. Le constructeur américain tient-il enfin sa propre référence de jeu d’action-aventure porté par sa narration, genre dominé par les studios PlayStation ?

Hellblade 2

En 2017, Ninja Theory parvenait à marquer les esprits avec une nouvelle licence, un véritable exploit dans une des années les plus riches que le jeu vidéo ait connu. Hellblade: Senua’s Sacrifice, un jeu d’action-aventure inspiré des mythologies celtes et nordiques, insistait avec autant de lourdeur que d’efficacité sur la torture psychologique constamment subie par son héroïne éponyme. Court mais intense, quasiment dénué de toute forme d’affichage pour favoriser l’immersion, le titre des créateurs de Heavenly Sword, Enslaved ou encore DmC: Devil May Cry avait fait le pari d’un gameplay assez dirigiste mais efficace.

Hellblade avait ainsi pu se faire une place dans un calendrier surchargé, et donc générer un certain engouement à l’annonce de sa suite, surtout du côté des fans du constructeur américain, en manque criant d’exclusivités notables. Annoncé en même temps que la nouvelle génération de consoles Xbox, Senua’s Saga: Hellblade II ne s’était cependant que rarement montré en un peu plus de quatre ans, s’autorisant surtout des cinématiques au format “letterbox”, entre ces fameuses bandes noires renforçant un peu plus l’aspect cinématographique.

Hellblade 2

On est là pour se taper des barres

Vous souvenez-vous de The Order: 1886 ? Cette exclusivité PlayStation 4 parue début 2015, bien avant que la console de Sony n’accueille des références comme Uncharted 4, Horizon Zero Dawn ou God of War, avait un peu fait polémique compte tenu de la faiblesse de son gameplay. Le studio Ready at Dawn avait sacrifié l’intérêt de son titre en tant que jeu vidéo sur l’autel d’un photoréalisme flirtant avec le cinéma (et salué en tant que tel), optant notamment pour le pari d’un affichage utilisant ce fameux format “letterbox”. Si l’on vous parle de tout cela, c’est parce que Senua’s Saga: Hellblade II a également recours à ce format d’image également appelé cinémascope, et qu’il ne laisse pas le choix au joueur, contrairement à ce que d’autres jeux ont proposé par le passé (par exemple, The Evil Within en 2014).

Hellblade 2

Fatalement, un tel pari restreint considérablement le champ visuel du joueur, et donne l’impression d’étouffer un petit peu, un sentiment renforcé par les nombreuses voix qui assaillent constamment l’héroïne et ne nous laissent quasiment jamais de répit. Certes, on finit par s’en accomoder, mais comme Hellblade premier du nom offrait une expérience un peu moins scriptée, et en plein écran qui plus est, l’impression de confinement persiste durant toute l’aventure. Le photoréalisme déconcertant du titre, combiné à des modélisations faciales saisissantes, nous immerge ainsi dans une expérience bien plus cinématographique que l’on aurait pu l’imaginer, où l’aspect ludique est clairement relégué au second plan.

Goddess of War

Si vous avez déjà joué au premier Hellblade, le côté très limité du gameplay ne constituera pas une surprise pour vous. Cependant, le titre de Ninja Theory semble désireux d’accueillir un nouveau public pas forcément initié, en s’ouvrant sur une sorte de “rappel des faits” résumant grossièrement les événements du premier volet. Cette séquence de quelques minutes, qui nous explique aussi à quel genre d’ambiance nous attendre, est aussi l’occasion de réaliser que cette suite n’a pas d’autres doublages que les originaux. Cela signifie que la majorité des joueurs doit donc activer des sous-titres qui deviennent vite envahissants vu que Senua est constamment assaillie de voix dans sa tête qui commentent tout ce qu’elle fait. De quoi redouter les conseils de progression non sollicités, de plus en plus en vogue depuis quelques années. Heureusement, cela s’avère bien moins horripilant que les réflexions à haute voix de Aloy dans Horizon Forbidden West, ou les conseils permanents d’Atreus dans God of War Ragnarök, qui ne laissaient quasiment jamais au joueur le temps de réfléchir.

Hellblade 2

D’ailleurs, puisque la comparaison est régulièrement revenue, sachez que Senua’s Saga: Hellblade II n’a de God of War que l’ambiance, basée sur les mythologies nordiques, et… le plan-séquence jamais pris à défaut, bien que blindé de petites astuces pour maintenir habilement l’illusion. Le jeu de Ninja Theory est extrêmement linéaire, ses énigmes sont à la fois bien pensées mais également très répétitives, à l’instar des rares combats qu’il propose et dont la force réside surtout dans leur formidable mise en scène. S’affranchissant de toute forme d’affichage à l’écran, la seconde aventure de Senua offre ainsi une immersion parfaite, puisque les actions contextuelles doivent être “devinées” par le joueur, à défaut d’être indiquées explicitement par une icône à l’écran. La marge d’erreur étant énorme pour ce qui est des esquives lors des combats, ce n’est pas vraiment un souci. Dans ce registre, on apprécie ainsi beaucoup la manière dont est exploité le médaillon attaché à la taille de Senua : il se remplit progressivement de lumière au fil des esquives et des coups assénés, afin de faire office de jauge de “spécial” qui permet d’enchaîner un combo dévastateur sur un ennemi une fois rempli – et donc, toujours sans aucune icône envahissante qui briserait l’immersion.

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Une série Xbox

Qu’on ne s’y trompe pas : même si les combats sont visuellement bluffants, les ennemis s’enchaînent de façon scriptée, et le déroulement global de Senua’s Saga: Hellblade II relève plus du contemplatif qu’autre chose. On est plus proche d’un Journey que d’un Uncharted, la partie exploration étant réduite à sa portion congrue, avec juste quelques collectibles qui ont au moins le mérite d’être plutôt bien cachés. D’ailleurs, nous ne saurons que trop vous recommander de trouver tous les totems de savoir, nécessaires pour profiter d’un New Game + qui rajoute un peu de longévité à un titre aussi court que son prédécesseur. Le second volet de la “saga de Senua” n’est effectivement pas plus long que le premier, et si l’on veut caricaturer, on peut parler d’un (presque) “walking simulator” s’étalant sur sept à huit heures où on ne sait parfois même plus si l’on est dans une “cutscene” ou si on joue un minimum. Ce n’est pas très long mais c’est suffisant, et on ne pourra que déplorer à la rigueur un tarif de lancement un peu élevé (50€), surtout pour un titre disponible exclusivement en dématérialisé.

Hellblade 2

Découpée en quelques chapitres dont les différents segments peuvent être rejoués à volonté une fois terminés (notamment pour trouver les deux types de collectibles), l’histoire de Senua ressemble à une cinématique géante dans laquelle se fond un gameplay très sommaire. Cela permet toutefois de se plonger idéalement dans les méandres de la psyché d’une héroïne torturée, mais aussi d’apprécier ses relations avec les rares PNJ notables d’une aventure au scénario efficace, parfois envoûtant et empreint de mystère, quand il n’est pas tout simplement touchant. La qualité de la modélisation faciale de Senua, mais aussi celle de ses compagnons de route (qui répondent aux doux noms de Thórgestr, Fargrímr et Ástríðr), absolument sidérante, y est clairement pour beaucoup. De bout en bout, Senua’s Saga: Hellblade II donne l’impression d’être acteur d’une très belle mini-série d’heroic fantasy qui ne s’encombre d’aucune longueur, si bien sûr on ne ressent pas comme telle la lenteur de son gameplay un peu lourd.

Hellblade 2

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La forme avant le fond ?

Si la confusion entre cinéma (ou série) et jeu vidéo est aussi importante, c’est aussi parce que Senua’s Saga: Hellblade II est beau à s’en damner. Si vous jouez sur Xbox Series X et en 4K, vous ne pourrez à la rigueur que déplorer le taux d’images par seconde verrouillé à 30, bien que sa fluidité parfaite jamais prise à défaut renforce l’aspect cinématographique de l’ensemble. Sur PC, peu importe la résolution, les 60 images par seconde peuvent être atteintes, mais nous sur une machine équipée d’une GeForce RTX 3060 Ti, le framerate a généralement oscillé aux alentours des 45/50fps… en 1080p. Il faudra donc sans doute une configuration très solide si vous visez le combo “4K/60” et si vous cherchez de la stabilité, l’expérience Xbox Series reste sans doute la plus optimale – ce qui est plutôt cohérent compte tenu de la logique marketing de Microsoft.

Hellblade 2

À ce sujet, sachez que le géant américain avait d’ailleurs pris soin de lourdement insister sur la nécessité de profiter du jeu avec un équipement audio relativement haut de gamme. Nous avons opté pour deux approches durant le test : le home cinema en 5.1, et le casque audio 3D (pour le coup, le “Pulse” de Sony accompagnant la PS5). La communication de Xbox disait vrai : l’immersion est bien plus forte au casque, ne serait-ce que pour ressentir ces voix entêtantes venant de tous les côtés du crâne, qui peuvent par ailleurs finir par lasser les joueurs les moins réceptifs à ce concept. En termes de sound design, Senua’s Saga: Hellblade II fait également beaucoup de bien aux oreilles, tout comme sa bande originale soignée, jamais envahissante, qui sait accompagner l’aventure aux moments opportuns. En résumé, une réussite absolue sur la forme, bien plus discutable sur le fond, mais ce n’est pas comme s’il fallait en attendre autre chose finalement.

Note finale du test : Senua’s Saga Hellblade II

Avec Senua’s Saga: Hellblade II, on espérait peut-être encore naïvement tomber sur le Horizon ou le God of War de Microsoft, et on se retrouve en apparence avec son “The Order”. Beau à s’en damner, au point de générer une confusion récurrente entre cinéma et jeu vidéo comme on en a rarement connu, le jeu de Ninja Theory tient beaucoup plus de la lente procession étriquée entre deux barres noires que d’une alternative à The Last of Us côté Xbox. Cependant, après avoir joué au premier volet en 2017, qu’étions-nous en droit d’attendre de plus ? Porté par une ambiance oppressante et jouant constamment sur les voix dans la tête d’une héroïne avec qui on partage volontiers les souffrances, la nouvelle aventure éprouvante de Senua offre une expérience narrative assez unique à qui on pardonne plutôt l’aspect ludique très limité, car très bien imbriqué dans sa réalisation magnifique. À vous de voir à quel point la perspective d’un vrai-faux plan-séquence interactif de 8 heures vous emballe.


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