C’est l’un des jeux les plus populaires de la Super Nintendo, mais rares sont les élus à l’avoir terminé. S’il est aussi difficile, c’est pour une raison bien précise

Un gaulois bagarreur, un reporter intrépide, de petits êtres bleus… Depuis des décennies, les aventures d’Astérix, de Tintin et des Schtroumpfs passionnent des générations entières. Et forcément, le jeu vidéo est lui aussi tombé dans la marmite de potion magique ! Peut-être même un peu trop… Les adaptations devenus cultes ont la réputation d’être extrêmement difficiles, un choix totalement assumé par les développeurs. On vous explique pourquoi. 

Super Ninendo
Crédits : Unsplash

Au début des années 1990, le jeu vidéo envahit les chaumières et les éditeurs se tournent vers les personnages populaires pour imposer leur console. Afin de toucher un large public, les différents acteurs se livrent alors une bataille sans merci. Pendant que Nintendo domine le marché avec Mario, SEGA prépare secrètement l’arrivée de Sonic pour contrer le moustachu en salopette. En parallèle, l’entreprise japonaise n’hésite pas à demander à ses différentes filiales européennes de lui fournir des noms de héros populaires afin d’envisager des adaptations en jeu vidéo. L’idée est simple : créer des aventures ciblées pour chaque pays ! De cette initiative naîtront des jeux Astérix sur Master System, Game Gear et Mega Drive. Il y aura même un jeu Marsupilami exclusif sur cette dernière !

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Astérix

Voyant que son concurrent s’entoure de pointures (comme Disney, avec de très bons jeux Mickey et Donald), Nintendo se tourne vers l’éditeur français Infogrames. Après une expérience réussie avec le jeu vidéo adapté de la bande dessinée Les Tuniques Bleues, le studio lyonnais obtient les droits d’Astérix ! Pendant qu’un petit (mais talentueux) studio espagnol s’affaire sur les versions Game Boy et NES du jeu, la maison-mère française met le paquet sur la cartouche Super Nintendo. La recette est redoutable, il s’agit de transposer l’univers des gaulois dans un jeu de plateforme à la Mario. En 1993, le constat est sans appel : Astérix sur consoles Nintendo s’écoule à plus d’un million d’exemplaires et tout le monde salue la qualité du jeu. Pourtant, très vite, une petite musique se fait entendre…

Mais bon sang, pourquoi c'est si dur ?

Déjà montré du doigt pour son adaptation visuellement réussie, mais ultra difficile de Fantasia sur Mega Drive, les protégés d’Infogrames ne le savent pas encore, mais ils sont sur le point de s’attribuer une étiquette qui va leur coller à la peau durant des années : l’éditeur des jeux difficiles !

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Les Schtroumpfs

Bien que la cible privilégiée par l’entreprise lyonnaise soit celle des 8-14 ans, l’industrie du jeu vidéo ne dispose pas, comme ça sera le cas plus tard, de sessions de jeu avec des joueurs de différents horizons. Stéphane Baudet, réalisateur d’Astérix sur Super Nintendo, interviewé dans le numéro 10 du mook Pix’n Love, déclare : « En fait, nos jeux étaient assez courts, comparé aux Mario de Nintendo, par exemple. Les rendre difficiles nous permettait d’allonger artificiellement leur durée de vie. » Il complète : « L’autre raison était qu’à l’époque, nous ne faisions pas suffisamment de playtests, c’est-à-dire des tests avec des enfants de la tranche d’âge auxquels ces jeux étaient destinés en priorité. »

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Astérix

Autant dire qu’on ne compte plus le nombre d’enfants et d’adolescents qui, à l’époque, se sont cassés les dents en essayant de terminer Astérix puis, plus tard, les Schtroumpfs. Chose amusante, Stéphane Baudet révèle dans Pix’n Love qu’il cachait parfois la nature de son métier aux autres parents, par peur qu’on lui tombe dessus ! Pas de doute, à l’époque, les services téléphoniques d’aide aux joueurs, comme le SOS Nintendo, ont souvent dû recevoir des appels pour ces titres !

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D’une beauté indéniable et superbement animés, ces jeux sont redoutables et il faut maîtriser la manette pour en venir à bout. Les joueurs pensaient avoir tout vu avec Astérix et les Schtroumpfs. Les pauvres, ils n’étaient pas au bout de leurs peines….

Tintin, les jeux de l'enfer ?

Devenue l’une des marottes du célèbre Joueur du Grenier, Infogrames s’est également illustré avec deux jeux Tintin d’excellente facture. Très beaux graphiquement, ces titres sont aussi réputés pour leur difficulté extrême ! Mais à l’inverse d’Astérix et des Schtroumpfs pour lesquels la notion de difficulté n’était pas une priorité, le reporter belge a souffert d’un autre mal : Moulinsart, la société bruxelloise en charge de l’exploitation commerciale de l’œuvre d’Hergé ! Les personnes qui s’occupaient des droits du célèbre héros à la houppette et de son fidèle acolyte Milou étaient ultra pointilleuses ! Ainsi, il suffisait qu’une fenêtre manque à l’un des wagons de Tintin au Tibet ou qu’une couleur diffère des cases de l’album pour que le studio soit contacté. Les développeurs ont ainsi passé un temps fou à corriger des détails. Là où cela devient plus dommageable, c’est que cela a directement affecté les séquences de jeu et la difficulté des niveaux.

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Tintin au Tibet sur Super Nintendo

Lorsqu’Infogrames a obtenu le droit d’adapter Tintin en jeux vidéo, le studio lyonnais a choisi Tintin au Tibet qui venait d’être présenté en exposition au centre Pompidou de Paris. L’album a aussi l’avantage de proposer une certaine variété dans les environnements. Malheureusement, il est très contemplatif et les développeurs ne s’attendaient pas à de telles exigences… Alors qu’ils souhaitaient intégrer des phases d’action rythmées (avec du tir et des phases de plateforme un peu acrobatiques), on leur a fait comprendre que Tintin ne prône pas la violence et qu’il ne combat que pour se défendre. Dès lors, il a fallu prendre chaque séquence et lieu de l’album pour imaginer des phases de jeu en lien avec le scénario. Un véritable casse-tête !

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Dessin préparatoire pour Tintin au Tibet

Si les jeux Tintin sont si difficiles sur Super Nintendo et Mega Drive, c’est en raison de ces demandes répétées de Moulinsart. Tout en focalisant sur de micro-détails (dont une interdiction ubuesque, pour Tintin, de sauter sur une table pour passer un obstacle), les concepteurs ont été obligés de bricoler diverses séquences en se limitant aux albums et aux possibilités offertes par le reporter. C’est ce qui donne cette sensation de patchwork avec, de temps à l’autre, l’impression de séquences qui n’ont ni queue ni tête. Que ce soit dans les jeux Tintin au Tibet ou Tintin et le Temple du Soleil, on passe beaucoup de temps à éviter des obstacles, à sauter au-dessus de crevasses, à faire en sorte de ne pas se faire percuter par des gens, etc. Comme il a fallu bricoler très souvent, les développeurs n’ont pas eu suffisamment de temps pour doser les phases de gameplay et se sont donc basés sur leurs propres expériences.

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Tintin au Tibet sur Super Nintendo

Vous savez maintenant pourquoi les jeux adaptés des bandes dessinées, à commencer par ceux d’Infogrames, sont si difficiles. C’était à la fois volontaire, involontaire et découlant des exigences de certains ayants-droits. Dites-vous bien que la difficulté d’un jeu comme Tintin au Tibet a été remaniée au tout dernier moment pour que l’aventure soit… plus accessible.

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Oui, il y a parfois un monde entre les créateurs de jeu et les joueurs.


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