Assurance auto : si les prix augmentent, c’est sûrement à cause des constructeurs

Plusieurs constructeurs automobiles partagent les données de conduite aux assurances. Les conducteurs n'en sont souvent pas conscients, jusqu'à ce que le tarif de leur assurance auto augmente sans raison apparente.

Interieur de voiture
Crédits : Adobe Stock

Les voitures sont de plus en plus sophistiquées, et c'est globalement une bonne chose. L'aide à la conduite, au freinage d'urgence, les caméras de recul, l'autopilote, les écrans d'infodivertissement… Tout cela participe à rendre nos véhicules plus sécurisés et la conduite plus agréable. Il y a cependant un côté négatif, à savoir que pour fonctionner, la plupart de ces systèmes ont besoin d'échanger des données, avec les conséquences que cela implique. Sans parler des failles de sécurité permettant de voler facilement des voitures modernes comme les Tesla, on pense au respect de la vie privée des conducteurs.

Une étude menée à ce sujet par Mozilla fin 2023 est très claire : les voitures modernes sont un cauchemar pour la vie privée. Mais de quoi parle-t-on exactement ? De vos informations personnelles comme vos nom, prénom et adresse postale qui se retrouvent sur le Dark Web ? La réalité est beaucoup plus terre à terre que ça : le partage des données recueillies par une voiture peut aboutir à l'augmentation de son tarif d'assurance automobile.

Date du trajet, distance parcourue, nombre de fois où l'on a freiné trop fort… Les assurances auto savent tout

À 65 ans, Kenn Dhal, chef d'une entreprise basée près de Seattle aux États-Unis, se considère comme un conducteur prudent. Il conduit une Chevrolet Bolt et n'a jamais été responsable du moindre accident de la route. Sa surprise est donc de taille quand en 2022, il constate que le prix de son assurance auto grimpe de 21 %. En effectuant des simulations chez la concurrence, même constat : c'est bien plus cher qu'avant. L'homme demande pourquoi et un employé lui explique que cela a à voir avec son “rapport LexisNexis“.

LexisNexis, société new-yorkaise, est ce qu'on appelle un courtier en données. Elle est spécialisée dans la collecte ou la vente données, souvent personnelles. En l'occurrence, cette firme travaille avec les assurances automobiles. Kenn Dhal demande donc son fameux rapport. Parmi les 258 pages qui le composent, 130 détaillent toutes les fois où lui et sa femme ont conduit la Chevrolet sur les 6 derniers mois.

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Au total, 640 trajets sont répertoriés. Pour chacun d'eux, on trouve l'heure de début et de fin, la distance parcourue, le nombre de fois où le conducteur à accéléré rapidement, freiné brusquement ou dépassé la limitation de vitesse autorisée. Seule manque la position géographique du véhicule, qui elle n'est pas enregistrée. Et d'où viennent toutes ces données ? D'après le rapport, elles ont été directement fournies par General Motors, le fabricant de la Chevrolet Bolt.

Les constructeurs automobiles partagent les données de conduite aux assurances et les tarifs augmentent

Les assurances auto proposent parfois des genres de clé USB à brancher dans la voiture ou des applications pour enregistrer les données de conduite. Elles incitent les conducteurs à accepter en leur promettant des baisses de tarif sous conditions. Mais la plupart refuse, alors les données sont récupérées directement depuis Internet par l’intermédiaire des constructeurs automobiles qui les fournissent à LexisNexis, entre autres. General Motors n'est pas le seul concerné : Subaru, Kia, Honda, Hyundai… Beaucoup possèdent un système de récolte des données de conduite. Celui de General Motors s'appelle OnStart Smart Driver par exemple.

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Tous les constructeurs et toutes les assurances sont formels : il est impossible de récupérer les données de conduite sans le consentement du conducteur. Sauf que cela se fait presque toujours en acceptant des conditions d'utilisation interminables que personne ne lit. Pire : ce sont parfois les vendeurs de voitures qui font signer l'accord au milieu du reste, dans la mesure où ils peuvent toucher une prime pour ça. Le problème principal, c'est bien le manque de clarté. Il est très difficile même en lisant de comprendre que ses données vont être partagées avec des courtiers comme LexisNexis.

Et quand bien même, les critères retenus sont très flous. “Je ne connais pas la définition d'un freinage brusque. La tête de mon passager ne heurte pas le tableau de bord. Même chose avec l’accélération. […] Je n’ai pas l’impression de conduire de manière agressive ou dangereuse“, explique un conducteur qui s'est vu rembarré par 7 assurances en décembre 2023 avant de découvrir son rapport. Aux États-Unis, la Californie a lancé une enquête sur la collecte des données de conduite par les constructeurs automobiles. Le sénateur Edward Markey du Massachusetts aimerait que la Commission fédérale du commerce (FTC) s'en mêle aussi, mais l'institution ne s'est pas encore prononcée.

Source : The New York Times


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